Karl Boudreault

KarlBoudreault

Contexte

Le prix du leadership a été présenté aux membres de la SCN en 2003, et le premier récipiendaire a été honoré dans le cadre du congrès annuel 2003 de la SCN. Dans le cadre de sa réunion de mai 2004, le conseil d’administration de la SCN adoptait une motion unanime dédiant le prix à la mémoire de Karl Boudreault, un membre actif de la SCN décédé en janvier 2004.

Dédicace

Karl nous a quittés trop jeune, à l’âge de 45 ans. Nous honorons sa mémoire et soulignons sa passion pour le domaine de l’évaluation en lui associant le prix Karl–Boudreault du leadership en évaluation.

M. Boudreault a étudié à l’Université Laval où il a obtenu un baccalauréat en sciences sociales avec spécialisation en économie. Il a par la suite fréquenté l’Université du Québec à Hull dans le cadre du programme de maîtrise en sciences, au terme duquel on lui a décerné la Médaille académique (or) du Gouverneur général pour souligner l’excellence dans ses études.

Au fil de ses vingt-deux ans de carrière, M. Boudreault a travaillé pour le compte de huit ministères au sein du gouvernement fédéral, la plupart des postes occupés relevant du domaine de l’évaluation.

  • 1981, Pêches et Océans, économiste
  • 1982 à 1984, Secrétariat d’État du Canada, analyste des ressources humaines
  • 1984 à 1986, Douanes et Accise, analyste des ressources humaines
  • 1986 à 1989, Emploi et Immigration, Programme légiféré d’équité en matière d’emploi, analyste principal
  • 1989 à 1991, Affaires indiennes et Développement du Nord, agent principal d’évaluation
  • 1991 à mai 1994, Affaires indiennes et Développement du Nord, responsable principal de l’évaluation
  • Mai 1994 à septembre 1995, ministère du Revenu, gestionnaire, inscription intégrée
  • Octobre 1995 à octobre 1997, Affaires étrangères et Commerce international, responsable principal de l’évaluation
  • Octobre 1997 à juin 1998, Secrétariat du Conseil du Trésor, analyste principal, vérification, évaluation et examen
  • Juin 1998 à mai 2002, Secrétariat du Conseil du Trésor, directeur du programme d’évaluation et d’examen
  • Mai 2002 à janvier 2004, ministère des Anciens Combattants, responsable principal de l’évaluation

M. Boudreault a siégé au conseil d’administration de la SCN à titre de trésorier de 1997 à 2002, alors qu’il était à l’emploi du SCT. Il a contribué à consolider les relations entre notre section régionale et le SCT, en organisant notamment diverses initiatives de formation professionnelle à l’intention des membres. Il avait à cœur le principe de formation continue.

Pourtant, il ne s’agit là que de données factuelles. Il importe surtout de souligner la teneur et l’importance de sa contribution à la communauté des évaluateurs. Pour ce faire, il faut surtout s’intéresser à l’homme qu’il était.

« Un esprit libre et une extraordinaire passion pour la vie »
Jim Gilroy de la société GGI.

Voilà une description plutôt juste. Cette passion pour la vie se traduisait aussi dans le domaine de l’évaluation. M. Boudreault entretenait des opinions bien arrêtées et appréciait particulièrement les débats corsés portant sur des idées ou des questions diverses. Toutefois, ce n’était pas l’argumentation en soi ni d’imposer ses vues ou d’avoir raison (même si c’était souvent le cas) qu’il recherchait dans ces débats : il voulait surtout apprendre et avoir la chance d’examiner une situation ou un problème sous un autre angle. Il était toujours ravi et fort enthousiaste quand on parvenait à le convaincre en lui proposant un autre point de vue!

Cette passion pouvait parfois prendre une tangente controversée, et il appréciait particulièrement la controverse. Encore une fois, Karl ne se contentait que rarement d’une pensée « conformiste » à mettre en boîte. À vrai dire, je ne sais pas s’il aurait admis qu’il y ait une « boîte », ce qui n’est peut-être pas toujours compatible avec le côté « politique » de la fonction publique.

M. Boudreault était un stratège, mais dans un style plutôt pragmatique et très visuel. Tous ceux qui l’ont rencontré dans son bureau vous diront qu’il avait un penchant très marqué pour son tableau blanc, où figurait toujours quelque diagramme ou modèle pour illustrer un problème ou une solution (sans oublier les sempiternelles flèches pour relier les morceaux du casse-tête). De même, nous avons résolu plusieurs problèmes, lui et moi, sur des serviettes de table pendant l’heure du lunch.

Sa vision de l’évaluation reposait notamment sur la nécessité de faire rayonner davantage la profession et ses retombées (notamment au sein de l’appareil gouvernemental). Il s’employait à concrétiser cette vision et manifestait une certaine impatience devant les travaux d’évaluation qui finissaient par amasser de la poussière sur une tablette. En effet, il croyait sans équivoque que la responsabilité de l’évaluateur et du domaine de l’évaluation était la suivante : créer un environnement favorable à l’atteinte de résultats utiles et concrets, et mener les évaluations dans le même but.

Selon Karl, la réussite en évaluation ne passait pas nécessairement par la simple formulation de résultats dans des rapports. Voici plutôt ce qu’il en disait : « Les indicateurs de réussite ne résident pas seulement dans la mise en œuvre des recommandations, mais aussi dans l’élimination de l’effet de surprise pour le client, c’est-à-dire la possibilité de concrétiser les résultats au sein de l’organisation avant même la publication du rapport final. » Il considérait d’ailleurs que ses plus grandes réussites comme évaluateur tenaient à certains dossiers où de tels efforts concertés avaient pu être réalisés. De l’avis de Karl, il est clair que l’humour était également une qualité prépondérante parmi les compétences nécessaires, qu’il s’agisse de l’évaluation ou de la vie en général.

Ce qui est peut-être encore plus important, c’est l’implication active de Karl dans son rôle de guide et de mentor pour les nouveaux membres de la profession. Il était tout naturel pour lui de partager ses connaissances, ses compétences et son expérience, et il le faisait facilement et professionnellement.

Karl définissait ainsi son propre style de gestion, qu’il disait avoir hérité de son père Gaston : « La gestion que je privilégie se caractérise par un maximum de liberté et de soutien à l’égard des professionnels et des employés, en misant sur les réussites et les erreurs pour apprendre, et en investissant sans relâche dans le développement de chacun des membres de l’équipe. » C’est une citation empruntée à son propre CV…

À la différence de la rhétorique autopromotionnelle que l’on trouve habituellement sur un CV, cette citation témoigne véritablement du modus operandi de Karl en milieu de travail. Il n’avait aucune hésitation à déléguer parce qu’il ne craignait pas que l’on fasse des erreurs. Ceux et celles qui ont bénéficié de ce style de gestion axé sur le soutien et le développement (comme Aileen Pangilinan et Fabio Onesi) se souviennent du caractère à la fois attrayant et exigeant d’une telle liberté, qui impliquait d’être « jeté dans l’arène avec toute la latitude voulue ». Travailler avec Karl (et non pour lui), c’était profiter d’une véritable occasion d’apprendre par l’expérience, en passant par les réussites et les erreurs.

Karl partait du principe que tout un chacun pouvait apporter sa contribution peu importe son poste ou son rang, et que tout le monde avait quelque chose d’intéressant qui méritait d’être su ou entendu. Il prêchait d’ailleurs par l’exemple en manifestant une grande écoute, une qualité que l’on ne reconnaît peut-être pas assez souvent.

À son avis, la force de notre profession dépendait de notre capacité d’attirer de nouvelles personnes dans notre domaine, de renouveler les défis, et d’entretenir sans cesse de nouvelles perspectives à l’égard de ce milieu. Il aimait vraiment son rôle de mentor et de guide, et il appréciait particulièrement de partager son expérience.

En outre, sa contribution au sein de notre communauté tient aussi à l’intérêt particulier qu’il vouait à la mise en commun des connaissances ainsi qu’à la nécessité de consolider les réseaux. Il a contribué à établir de nombreuses relations et autres liens. D’ailleurs, il remarquait souvent certains points en commun parmi ses collègues et ses amis, et n’hésitait pas à favoriser les rapprochements.

En ce sens, il s’est révélé être un fervent défenseur de la Société canadienne d’évaluation, à titre de membre des sections de la capitale nationale ainsi que de l’I.-P.-É. Dans le cadre des activités des sections régionales, il cherchait surtout à instaurer des occasions d’apprentissage pour les membres de la profession, tant au contact des collègues qu’à l’aide d’activités de formation plus structurées. Il a incité plusieurs d’entre eux à s’intéresser aux activités de la société.

Dans la vie, Karl considérait que la réussite passait nécessairement par sa relation avec sa conjointe, Johanne, ainsi qu’avec ses trois enfants, Marc-Antoine, Camille et Laurent. Il accordait aussi une grande importance à ses liens avec son père, Gaston, ses trois sœurs, Anne, Marie-Claude et Myriam, ainsi que ses nombreux amis.

C’est donc à sa mémoire que ce prix est attribué, soit le prix Karl–Boudreault du leadership en évaluation, en vue de souligner l’apport d’autres personnes qui, comme lui, font preuve de talent et manifestent des compétences et des qualités du même ordre. Son absence est durement ressentie!

Heather Buchanan, présidente sortante
Section de la capitale nationale
Société canadienne d’évaluation